10 mars 2024

98 - Ma cachette à Clinchamp

Parfois, las du fracas de la cité qui m'écrase et m'engloutit, je viens en pèlerinage à Clinchamp, incognito.
 
Je me dissimule alors dans un recoin perdu de cette campagne tant désirée, à l'écart du village.
 
Là, bien caché par quelques buissons opportuns, confortablement installé dans un petit creux de terre, j'observe de loin la vie paisible du clocher, à l'écoute de la nature, entouré d'immensité, bercé par le vent.
 
Niché à l'abri des regards, mon humble poste d'observation devient aussi mon refuge intime et je me sens comme un oiseau dans ses hauteurs.
 
Evadé de la ville, exilé de ce siècle, je me repose en ce lieu, soulagé des pesanteurs citadines, et commence à respirer l'air de la liberté retrouvée. Couché au ras des herbes avec la champêtre agglomération dans mon champ de vision, je me laisse emporter par mes rêves.
 
Le spectacle bucolique de ces toits environnés de silence et de verdure -image idéale atténuée par une légère brume- allié à la légèreté d'un ciel que je sens infini au-dessus de moi, suffit à me plonger dans une véritable extase.
 
Par sa beauté simple et essentielle, ce théâtre virgilien me comble de sérénité, fait entrer plein d'azur dans mon âme. Et je m'envole vers les sphères supérieure de la contemplation statique.
 
Campé dans ma cachette de broussailles, fondu avec le paysage, rendu invisible, je laisse les heures couler et ne vois plus le temps passer. Loin de m'ennuyer dans cet isolement ultime, au contraire j'apprécie chaque instant devenu précieux, la brise qui me caresse, le moindre événement à portée de ma conscience en total éveil.
 
Je suis à la porte d'un bonheur confus, étendu au bord d'une sorte d'éternité. J'ai le sentiment d'être au seuil d'une félicité céleste qui prendrait sa source au fond de mon minuscule espace. L'impression que l'ombre où je suis blotti est un promontoire vers un océan de lumière.
 
Je me joins à l'Univers, aussi humble que soit ce tableau qui se déploie devant moi, car, je le sais, des ailes sacrées me portent.

Bref, ce trou à rat depuis lequel, à l'insu de tous, je sonde ce monde reclus et oublié est dérisoire, mais mon voyage est grandiose.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".