14 juin 2023

50 - Pluie de joie à Clinchamp

A Clinchamp, derrière chaque coin isolé, chaque heure creuse, chaque brume d'automne, chaque dimanche perdu, chaque mélancolie d'été ou chaque ombre persistante, il y a une gerbe de joie, de la même manière qu'il y a une immensité d'azur au-dessus des moindres peines et pesanteurs de ce monde.
 
Sauf qu'en ce lieu particulier de la Haute-Marne, ces prodiges intimes sont décuplés, en vertu des spécificités extrêmes de ce village. Entre fade tombeau et cité onirique, séjour d'ennui et ambiance lunaire, refuge de bovidés et jardin d'esthète, ce clocher sera perçu par certains comme une impasse boueuse, par d'autres comme un olympe lumineux.
 
Beaucoup de visiteurs trouveront mille raison de fuir cette campagne mortelle, tandis que seulement quelques-uns de ces oiseaux de passage seront  séduits par la profondeur de ce trou et le vertige qu'il leur inspirera.
 
Ces rares éveillés à l'esprit libre et au coeur aérien verront des clartés là où les frileux se heurteront au néant.
 
Seules les âmes supérieures, c'est-à-dire les hommes qui se savent dotés d'ailes, sont capables de traverser le voile opaque de la matière pour accéder à l'ivresse de l'éther.
 
Loin de la grisaille apparente, par-delà la grossièreté des choses que capte l'oeil, plus haut que les certitudes horizontales, il y a l'évidence de la lumière.

Bref, à Clinchamp plus qu'ailleurs, sous les pierres, au fond des fossés, autour des foyers comme à travers champs, qu'il vente ou qu'il pleuve, que le temps soit au printemps ou à la déprime, partout l'initié y entendra un chant, un seul, toujours le même, inexprimable, émanant de l'infini, de l'invisible, du ciel : celui de l'allégresse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

L'auteur du blog

Ma photo
J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".