04 février 2024

88 - Les corbeaux de Clinchamp

Leur chant de rocaille dans la plaine mortelle résonne plus lugubrement qu'ailleurs.
 
Plus délicieusement aussi.
 
A Clinchamp les corbeaux sont bien mieux que de simples ombres des airs : ils incarnent par-dessus tout les hauteurs morbides et flamboyantes d'un azur semé de cailloux, peuplé de mythes et fleuri d'idées noires.
 
Un doux mélange de rêves de plomb et de réalités de plumes.
 
Comme un inextinguible crépuscule de flammes et de sanglots. Un cauchemar céleste d'encre et d'ailes. Un  intarissable déluge de bleu et d'agonie.
 
Ils errent dans les lourdeurs de notre siècle et volent dans les légèretés de l'intemporel, menacent les hommes de leur lyre rauque et agrémentent les sillons de leur présence de roc, vont et viennent entre terre et brume, hantent les champs de leurs ténèbres et ôtent tout espoir de printemps, vivent heureux dans leur isolement d'ermites à la détestable renommée, croassant dans le ciel et trépassant dans la fosse.
 
Ce village de moribonds en sabots et d'horizons de deuil est le lieu idéal pour leurs comédies sinistres jouées devant un public de vaches et d'esthètes. Dans ce théâtre mortuaire, ces beaux oiseaux pleins d'envergure rayonnent comme des astres obscurs.

Leur violons grinçants bercent cette campagne de reclus et de crottés d'une musique funèbre qui enchante mon coeur d'initié, lorsqu'à l'aube ou en fin de journée je me perds dans les espaces pesants de cette contrée mythique ayant sombré dans l'éternel oubli et l'infinie torpeur.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".