01 février 2023

4 - Clinchamp, cité des oubliés

Je rêve de venir m'enterrer sous le ciel tombal de Clinchamp, cette localité peuplée de morts-vivants qui semblent eux-mêmes ignorer qu'ils sont au paradis des ploucs.

Leur séjour hors du fracas moderne est un éden consistant en une impasse de terre et d'azur, un gouffre de silence et d'inertie, un océan de léthargie contemplative, et pour finir, une mare de rêves aussi paisibles que statiques...
 
Entre boue et verdure, bois communs et humbles foyers, ce village qui tourne inlassablement en orbite autour d'un siècle révolu s'est définitivement perdu vers de mortels crépuscules.
 
Dans son voyage suicidaire vers une utopie à la hauteur de son clocher, il a depuis longtemps accosté les rives plates de l'immobilisme rural.
 
Bref, ce cimetière hanté par des fantômes en sabots ressemble à un terminus mortuaire de la vie provinciale.
 
Mais à côté de ces lourdeurs, c'est aussi -du moins à mes yeux-, un étang de joies ternes et rustiques. Un marécage de bonheurs désuets sur lequel voguent les âmes simples et sans histoires des lieux... Un jardin de fleurs séchées, totalement ignoré du monde, qui m'attire ainsi qu'un oiseau fatigué vers une branche morte où se poser.
 
Je vois cet endroit au décor improbable, ce paysage au visage sans nom, cette campagne aux allures de néant, comme le dernier asile de mon existence lassée des mondanités, des fumées et autres vacuités que m'inflige le sort.
 
Je n'aspire plus qu'à me reposer loin des artifices de la ville et du progrès, vivre des jours authentiques pleins de clarté, de franchise, de fraîcheur.
 
Me retirer dans cet univers reculé où jamais rien ne se passe. Et où tout ce qui s'y attarde prend racine.

Enfin, retrouver les heures glorieuses de la Création, à l'image de ces aubes originelles que l'on voit apparaître chaque matin, là-bas, dans les brumes de Clinchamp, ce pays obscur aux funèbres pesanteurs et, paradoxalement, source secrète de toutes les lumières.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".