21 février 2023

17 - Clinchamp, paradis des ombres

Là-bas, c'est nulle part et personne n'y va. C'est un ailleurs qui n'a rien d'un rêve. C'est loin et c'est un trou.
 
Dans ce royaume de crépuscule, les cailloux, les ombres et le silence sont rois.
 
Il n'y a rien à faire pour qui souhaite y faire quoi que ce soit, à part marcher sur des chemins empruntés par des fantômes, contempler une campagne composée de vide et de vaches, s'étendre dans une herbe sage et terne.
 
Mais précisément, c'est le sommet de la quiétude à atteindre pour tout esthète lassé des obésités de la civilisation. La quête ultime du pèlerin en marche vers la grise terre promise... Le trésor de celui qui n'aspire qu'à l'essentiel. Et à rien d'autre.
 
A Clinchamp il sera servi !
 
Oui, c'est dans ce village de la Haute-Marne que se trouve le paradis des élus en haillons. La récompense des chercheurs de pierres pas précieuses pour un sou et autres cueilleurs de graines communes.
 
Avec générosité, ce pays offrira au visiteur bien intentionné ses jours tous pareils, par milliers. Du matin jusqu'au soir, ils sont sans surprise. Même les mystères de la nuit dégagent des parfums de perpétuelle langueur.
 
En ces lieux immuables le mortel éveillé honorera paisiblement ses rendez-vous avec l'horloge des heures attendues, inchangées, chargées d'un éternel présent. Elles sonnent leurs passages monotones de siècles en siècles. Sans nul artifice ni aucune fantaisie certes, mais également sans heurt. N'est-ce pas justement là toute sa gloire ?
 
Le mystère de cet immobilisme est total.
 
Pour qui vise l'humilité extrême, sous ce ciel anonyme il trouvera le refuge inespéré. Et sera comblé de brumes et de vent. L'ermite en mal de solitude pourra se perdre dans l'infini isolement de ce paysage sans admirateur. En cet univers dénué d'ornement superflu, règne l'idéale sobriété.
 
Dans ce monde éloigné, inconnu et parfaitement oublié, les oiseaux y sont pareils que les mottes de terre, entre réelles lourdeurs et imperceptibles légèretés. Et l'azur ressemble à s'y méprendre au plomb du sol.

En ce désert peuplé d'impalpables présences, semé d'âpres racines d'inertie et riche de pesantes certitudes, les assoiffés de simplicité y boiront à pleines gorgées l'eau plate et limpide d'un bonheur d'ascète.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".