08 décembre 2023

79 - Le coucou de Clinchamp

A Clinchamp le coucou n'annonce pas vraiment le printemps.
 
Mais plutôt le train-train du spleen, trois mois de tièdes tourments, une saison de papillons aux ailes de plomb.
 
Il est le point de départ des jours vides qui s'écoulent, indolents, et des heures de langueurs consacrées à attendre que tout passe, que tout se fige et que tout meure... Autant dire le commencement d'un chemin de sempiternelle mélancolie, ponctué d'interminables aires de monotonie.
 
Un royaume où la lumière ressemble à une brume sans fin et où le ciel est un océan de rêveries qui finissent comme l'écume. Un pays éclairé par un soleil de léthargie reniflant des nuages soporifiques.
 
Un monde où horizon rime avec prison.
 
Bref, là-bas le chant de l'oiseau parasite rappelle l'air sinistre du glas. Et le beau temps est irrespirable du premier rayon de l'aube à la dernière larme du crépuscule.
 
Non vraiment, je vous le dis, ce village ne s'illumine d'étoiles et de cailloux et ne prend ses couleurs de bouse et de feu que hors des sentiers sclérosés de la pensée citadine !
 
Si vous voulez trouver le bonheur dans ce trou de silence et d'inertie, sondez ses profondeurs au lieu de vous attarder sur ses surfaces. Ses vrais trésors sont au niveau des racines, et non superficiellement au ras des pâquerettes. Ils gisent là où règnent les siècles, persistent les légendes, pèsent les pierres et volent les fantômes : loin des apparences, dans les subtilités de ses rudesses et les mystères de ses lourdeurs.
 
Aux antipodes de la plate chansonnette du pique-nids.
 
L'âpre joie de l'esthète épris de vaches et de vent, de flore et de plume, de paille et d'ombre, d'herbe sèche et de verte folie ne réside nullement dans les insignifiances de mai, les banalités de la brise vernale et les légèretés du volatile qui de branches en branches répète ses notes annuelles immuables...

Mais dans l'ivresse que procurent les tempêtes de grêle, l'enchantement qu'apportent les flots de boue, la réjouissance qu'occasionnent les averses réfrigérantes. 

Sans prévenir, ces rigueurs providentielles tombées des nues réveillent les statues de chair que vous êtes, vous les visiteurs égarés en ces lieux, brisant d'un coup le rythme mortel de cette champêtre nécropole nommée Clinchamp !

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".