25 novembre 2023

78 - Les chouettes de Clinchamp

L'on pourrait aisément deviner que les chouettes de Clinchamp chuchotent à la Lune de champêtres chants effarouchants et, aux hommes qui daignent les écouter, des histoires sans fin à dormir avec le loup... Ce qui est exactement le cas !
 
Pour l'opportune raison que là-bas tout est manifestement différent que dans le reste du monde.
 
En effet, dans les obscurités de ce territoire isolé, séparé de tout, coupé de la civilisation, la réalité prend des allures de rêves et la moindre insignifiance est embaumée de mystère, que ce soit sous le ciel paisible, dans les fourrés plein d'épines, au fond des fossés bordés de fleurs ou bien sur l'herbe tranchante. Tout en ce lieu considérable se colore de folle poésie, s'allège de flammes ou de brumes, s'illumine de songes et s'enrichit de légendes.
 
Dès que la brise emporte une feuille, l'aventure commence ! A l'apparition d'une ombre, le vertige !  Au passage d'un papillon, l'ébranlement ! Sous la première bouse de vache, le grand voyage !
 
Dans cette ambiance onirique, les volatiles de la nuit ressemblent fatalement à des spectres d'opéra volant de chênes en clocher et s'exprimant tantôt à la lyre des airs, tantôt à la trompette des champs. Et lorsque le visiteur passe sous ce chapiteau céleste où fusent les esprits des bois et planent les fantômes de l'azur, soit l'effroi le pétrifie, soit l'enchantement lui donne des ailes.
 
Mais le pire c'est lorsqu'il est plongé dans le cauchemar de l'indifférence. Avec ses deux pieds  bêtes et pragmatiques pour seules compagnies, qui le mènent au royaume des platitudes.
 
Les oiseaux bien emplumés de ces terres profondes ont les légèretés de nos pensées les plus éthérées, pourvu que nous soyons à la même hauteur d'ondes que leurs plumes sans prix. Mais pour les âmes ternes, prosaïques, engourdies de certitudes rigides, ils apparaîtront comme des poids morts, sources de désillusions, d'ennui, de stériles insomnies.
 
Bref, c'est ainsi qu'au coeur de la campagne nocturne de Clinchamp, mais aussi au-dessus du village lui-même, les uns entendront de véritables romans colportés par le vent et éclairés par la lueur des astres, les autres n'y verront tout simplement que du feu !

Selon la sensibilité de chacun, soit ce sera le vide total au-delà des toits et du quotidien, soit sonnera l’heure de l'évasion absolue.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".