27 octobre 2023

74 - Clinchamp-sur-Mystère

En ce point aussi dérisoire que fabuleux nommé Clinchamp, un espace improbable hors de nos conceptions communes et qui constitue un trou d'insignifiance au centre de toutes les attentions, un sommet d'anonymat nimbé de gloire, une terre crottée brillant en plein ciel, sachez que la bouse rejoint l'azur et le sabot côtoie les nuages, car tout ce qui pèse là-bas est doté d'ailes.
 
En effet, la moindre lourdeur, paradoxalement, s'y allège jusqu'au sublime tant l'air est chargé d'amère poésie, le paysage plombé d'âpre onirisme, le crépuscule embrumé de charme obscur.
 
Dans cette sphère lointaine peuplée de figures légendaires, de réalités furtives, de vaches statiques, vous vous égarerez dans des chemins aussi déserts que prometteurs, traverserez des champs de souvenirs immémoriaux, poursuivrez des horizons de marbre aux formes éthériques, vous coucherez dans des fossés lumineux pour sombrer dans un sommeil galactique.
 
Votre voyage sera fatalement vertical.
 
Et votre rêve se chaussera de galoches, se vêtira de mélancolie, se blanchira d'étoiles. Il aura le brouillard pour compagnie et s'éclairera de la morne chandelle lunaire. Il vous emmènera aussi proche que possible de l'humus et de ses sobres secrets, à deux doigts de vos semelles boueuses, jusqu'au coeur de ces trésors humbles que vous ne voyiez jamais auparavant.
 
L'évasion se fera à partir de la simplicité, juste à côté de la modestie. Tout en haut de vous-mêmes.
 
Loin de vos villes, de vos fracas, de vos futilités.
 
Délestés de vos artifices, vous vous réveillerez aussi subtils que des plumes.
 
Et tels ces oiseaux qui voltigent dans les nues de Clinchamp en y faisant des signes immenses et énigmatiques, vous laisserez dans l'océan de vos âmes quelques lignes éternelles de ce séjour au royaume des bouseux.

Une page trouble, entre aube et rosée, écrite à l'encre du mystère.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

L'auteur du blog

Ma photo
J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".