07 juillet 2023

55 - L'amour à Clinchamp

A Clinchamp, l'amour est à l'image des vaches, du ciel et des champs : incarné, aussi brumeux que terreux.
 
On s'y aime tout en chair, avec peu d'esprit et beaucoup d'heures perdues à ne rien se dire.
 
Les flammes du coeur là-bas s'expriment comme des pierres qui s'entrechoquent en crachant des étincelles. Ca brûle ou ça rate. A moins que tout ne stagne pour retourner dans la tiédeur des dimanches pleins de mortelle torpeur...
 
Eprouver de la lumière intérieure dans ce village où les vivants sont comme des défunts, si loin de tout, si proches des tombes, entre l'anonymat et l'oubli, c'est s'élever au-dessus des étables, des fossés et des pâquerettes, le temps d'un vertige brutal et éphémère où l'âme locale, parfois, s'envole plus haut que les petites gloires du quotidien.
 
Pour aller effleurer un mirage à l'horizon, une clarté hors du monde, une étoile dans l'infini.
 
Les corps qui se mêlent au fond de cette cambrousse sont des histoires sans témoin qui ponctuent les jours indolents des hommes et des femmes sans visage.

Se donner l'un à l'autre en ce pays qui n'est ni ce siècle ni Paris, c'est partir un peu, rêver dans les herbes, approcher les loups, se mêler aux pesanteurs du passé, atteindre des lendemains irréels et se réveiller avec les draps légers comme des plumes en serrant une enclume de bonheur entre ses bras.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".