08 mars 2024

94 - Clinchamp sous l'orage

Lorsque le feu du ciel mêlé des flots de l'enfer s'abattent sur Clinchamp, c'est la fête dans les champs. La nue noire et tourmentée illumine alors la campagne de ses gerbes d'or et enchante l'atmosphère électrique de ses tambours oniriques...
 
Vivants et morts se réveillent enfin sous l'onde régénératrice et le fracas festif. Hommes et vaches respirent l'air plein de flammes et de joie, les fossés se remplissent de clarté, les chemins débordent d'espoir et les bois s'abreuvent d'avenir radieux. Les rafales d'eau et les coups de tonnerre font se relever tout ce qui est gisant et assoupi.
 
Bref tout renaît dans cet univers endormi quand l'intempérie arrose les têtes et les toits.
 
Evidemment le visiteur indifférent ne remarquera rien de particulier en traversant ce patelin foudroyé par ces averses lumineuses, mais l'esthète attentif y percevra des merveilles uniques, jamais vues ailleurs. Les habitants eux-mêmes sont insensibles à ces beautés célestes qui leur tombent sur le dos.
 
Certes, ils sentent bien pourtant que de grandes choses soulèvent leurs chapeaux, font briller leurs idées ternes, agitent leurs pensées plates... Mais ils demeurent malgré tout fermés à ces éblouissements venus de si haut. Ils se contentent de recevoir ce bien-être comme il vient sans chercher plus loin l'origine de cette fraîcheur dans leur âme. Ils restent fidèles à ce qu'ils sont avec leur regards parfaitement horizontaux.
 
Aussi apathiques dans leur bonheur passif que taciturnes dans leurs jours plus sombres.
 
C'est également ce qui fait la spécificité de ce clocher peuplé d'hôtes terreux, obscurs, rustiques.
 
Le charme de ces déluges de fièvre et de pluie sur cette contrée de bêtes et de bornés consiste en l'éphémère mais fulgurante transfiguration de ces derniers.
 
Là, le temps de la tempête de braises sur ce paysage du fin fond du monde, tous ces bottés et crottés qui y stagnent deviennent beaux à mes yeux pleins de finesse et d'acuité, même s'ils n'en ont nulle conscience.

Sous les éclairs estompant leurs traits rêches et sublimant leur quotidien, ils ressemblent à des statues en toges, pétrifiées dans une vaste cathédrale aux arcades de nuages et aux vitraux d'azur embrasés d'étincelles.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".