Dès que j'approche de Clinchamp, je sors mes ailes.
En venant me plonger dans ce trou, mon âme s'affine, des clartés inédites
naissent en moi et je sens le poids d'une autre réalité peser sur mon dos. Ou
bien la légèreté d'un jour différent se poser sur mes épaules... Comment savoir
exactement ce qui se passe en moi en ces moments si particuliers ?
Des astres me tournent autour et m'étourdissent de leur danse
lumineuse.
Encore un peu dans le vague, j'ignore alors si je suis heureux ou
malheureux, mais sous ce ciel lointain de la Haute-Marne, tout s'éclaire
progressivement. Et des feux cachés se raniment, trop longtemps enfouis dans mes
profondeurs.
Je deviens un oiseau grave au plumage sombre, au vol auguste, au regard
royal.
Et je quitte le plancher des vaches.
Je plane au-dessus du village, loin des têtes ternes de ses pesants
habitants. Et de ma hauteur je perçois leurs petitesses, leurs misères, leurs
piètres agitations aussi... Et je les trouve grotesques, épais, crotteux.
Comiques et hideux.
Et finalement, soulagé de ne point toucher ce sol où vont et viennent ces
bovins, je m'allège davantage. Peu à peu, je suis touché par les éclats d'un
bonheur neuf. Je me sais supérieur, je monte, le vertige me gagne, je m'élève
toujours plus... Jusqu'à atteindre un premier nuage, au coeur de l'azur.
Et là, je vois le clocher dans son ensemble, encerclé de champs. Et je
découvre des espaces verdoyants, des bois épars, la nébulosité de l'horizon
s'étendant presque à l'infini... Quelle beauté ! Et toutes ces fourmis bipèdes
qui y mènent leurs minuscules existences de larves... Quelle laideur !
Et moi, plein d'envergure et de flamme, mais aussi de mépris mêlé de pitié
pour ces humains lamentables avec leurs vérandas, leurs piscines, leurs nains de
jardin, je décide de redescendre de mes nues pour leur enseigner l'ivresse des
sommets.
Et les rendre moins lourds, plus célestes et plus beaux.
Je repose le pied par terre en même temps que je rouvre les yeux. Je me
réveille au centre de la localité. Le premier visage que je croise est celui de
la mère Michu portant son éternel cabas débordant de poireaux.
Ce qui me confirme que je suis bien à Clinchamp, que jamais rien ne
changera en ce lieu béni et qu'en fin de compte, tout est très bien ainsi
!
VOIR LA VIDEO :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire