01 février 2023

12 - Sur les routes de Clinchamp

En parcourant le pays à la fois fade et mystérieux de Clinchamp, pour peu que vous soyez sensibles aux charmes lourds de ces terres d'obscurité et de plomb, vous y découvrirez des éclats uniques et des images rares.
 
L'oiseau que vous apercevrez dans le ciel, par exemple, prendra des allures d'augure local sous vos yeux fatigués de citadins accoutumés aux écrans criards. Le paysan que vous croiserez aura pour vous des airs d'épouvantail de fable. Et le bois à l'ombre immense deviendra l'antre de vos mauvais rêves.
 
Vous pénétrerez à petits pas dans un siècle révolu, vous qui êtes blasés de tout, repus de superflu et gonflés de vos petitesses de vaniteux des villes. Vous vous changerez bien vite en égarés des champs, troquant vos semelles fines contre de durs sabots. Vous vous nourrirez de graines de sobre littérature mêlées d'amer azur et vous abreuverez de la simple flotte des flaques coupée de la brume âpre de l'horizon.
 
La mort sera votre route tracée et la nue votre ivresse.
 
Les plates étendues autour de vous seront votre unique évasion.
 
Réjouissez-vous, car vous serez libérés de vos pesanteurs urbaines ! C'est-à-dire, privés de vos agréments de toc et de vos trucs en trop.
 
Ici, vous devrez vous régler sur le rythme engourdi des balourds du coin. Vous prendrez exemple  sur les bouseux et sur les vaches. Votre paradis monotone aura la couleur du terreau et la saveur de la poussière. Vous verrez croître des pissenlits d'ennui sous vos pieds. Et dormirez d'un sommeil sépulcral aux songes légers.
 
Avec oreiller de nuages et vue sur les étoiles.

Bienvenus au cimetière des gens heureux !

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".