Les jours de tempête à Clinchamp, le vent ressemble a des hurlements de
loup.
Et le paysage habituellement si serein se métamorphose en une mer
d'angoisse.
Alors l'on peut entendre sur la campagne des plaintes, des grondements de
bête et des pleurs étranges, comme si des ombres malheureuses sortaient des bois
pour se répandre autour du village.
Est-ce la configuration particulière des lieux qui fait que là-bas le
souffle de la nature prend des allures aussi mystérieuses ? L'espace semble
pourtant n'avoir rien de spécial : une plaine, quelques buttes, des surfaces
éparses de feuillus, des terrains sans grandes aspérités, bref juste une
immensité découverte. Des étendues banales ainsi qu' il en existe beaucoup,
partout en France.
Aucun signe perceptible n'annonce quoi que ce soit de différent...
Sauf que, sous les dehors anodins de ces terres anonymes, tout paraît à
part pour qui vient de l'extérieur. De toute évidence, cet endroit n'est
décidément pas comme les autres ! Il suffit simplement d'y mettre les pieds pour
s'en rendre compte. Même si je n'ai nulle explication à ce phénomène, toujours
est-il que le visiteur se sentira aux antipodes de son quotidien en parcourant
ce pays.
Et donc, quand la tourmente vient troubler ce monde reclus, des portes
s'ouvrent depuis tous les horizons, des présences surgissent d'on ne sait
quelles profondeurs, et des clameurs recouvrent ce théâtre de tous les rêves. Qui pénètrent les choses autant que les êtres.
En altitude, à perte de vue, des formes émergent puis s'évanouissent au gré
des nues changeantes. Et le tumulte des éléments fait naître des images
fantastiques dans le lointain. La bourrasque devient tantôt aussi effrayante que
des spectres éphémères, tantôt féérique telles des flammes venues d'ailleurs.
Puis tout s'estompe, tout s'éteint pour se reformer aussitôt sous des aspects
divers, inquiétants ou sublimes. Et bientôt tout se fracasse encore dans les
gouffres célestes. Pour se rallumer dans de nouveaux feux d'artifices sombres ou
éclatants...
En ces heures singulières où le ciel se déchaîne, parfois un visage se
dévoile furtivement dans les hauteurs. Et cette face esquisse, selon les dires
de certains, un sourire bienveillant. Ou ébauche une grimace moqueuse. En réalité
personne ne sait trop bien. Nul n'ose avancer une réponse claire, réelle ou
imaginaire. L'incertitude règne.
On le voit, dans ce coin inconnu de la Haute-Marne, l'ordinaire n'est qu'un
masque derrière lequel se cache le fabuleux.
Moi je devine finement que ces traits vagues aperçus à travers les nuages,
lorsque le temps est agité, ce sont ceux d'Éole qui, habillé de brume et de
lumière, chargé de tonnerre, de tambours et de trompettes, vient faire son
cirque à Clinchamp !
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