22 novembre 2023

77 - Quand la tempête s'abat sur Clinchamp...

Les jours de tempête à Clinchamp, le vent ressemble a des hurlements de loup.
 
Et le paysage habituellement si serein se métamorphose en une mer d'angoisse.
 
Alors l'on peut entendre sur la campagne des plaintes, des grondements de bête et des pleurs étranges, comme si des ombres malheureuses sortaient des bois pour se répandre autour du village.
 
Est-ce la configuration particulière des lieux qui fait que là-bas le souffle de la nature prend des allures aussi mystérieuses ? L'espace semble pourtant n'avoir rien de spécial : une plaine, quelques buttes, des surfaces éparses de feuillus, des terrains sans grandes aspérités, bref juste une immensité découverte. Des étendues banales ainsi qu' il en existe beaucoup, partout en France.
 
Aucun signe perceptible n'annonce quoi que ce soit de différent...
 
Sauf que, sous les dehors anodins de ces terres anonymes, tout paraît à part pour qui vient de l'extérieur. De toute évidence, cet endroit n'est décidément pas comme les autres ! Il suffit simplement d'y mettre les pieds pour s'en rendre compte. Même si je n'ai nulle explication à ce phénomène, toujours est-il que le visiteur se sentira aux antipodes de son quotidien en parcourant ce pays.
 
Et donc, quand la tourmente vient troubler ce monde reclus, des portes s'ouvrent depuis tous les horizons, des présences surgissent d'on ne sait quelles profondeurs, et des clameurs recouvrent ce théâtre de tous les rêves. Qui pénètrent les choses autant que les êtres.
 
En altitude, à perte de vue, des formes émergent puis s'évanouissent au gré des nues changeantes. Et le tumulte des éléments fait naître des images fantastiques dans le lointain. La bourrasque devient tantôt aussi effrayante que des spectres éphémères, tantôt féérique telles des flammes venues d'ailleurs. Puis tout s'estompe, tout s'éteint pour se reformer aussitôt sous des aspects divers, inquiétants ou sublimes. Et bientôt tout se fracasse encore dans les gouffres célestes. Pour se rallumer dans de nouveaux feux d'artifices sombres ou éclatants...
 
En ces heures singulières où le ciel se déchaîne, parfois un visage se dévoile furtivement dans les hauteurs. Et cette face esquisse, selon les dires de certains, un sourire bienveillant. Ou ébauche une grimace moqueuse. En réalité personne ne sait trop bien. Nul n'ose avancer une réponse claire, réelle ou imaginaire. L'incertitude règne.
 
On le voit, dans ce coin inconnu de la Haute-Marne, l'ordinaire n'est qu'un masque derrière lequel se cache le fabuleux.
 
Moi je devine finement que ces traits vagues aperçus à travers les nuages, lorsque le temps est agité, ce sont ceux d'Éole qui, habillé de brume et de lumière, chargé de tonnerre, de tambours et de trompettes, vient faire son cirque à Clinchamp !

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".