03 juin 2023

48 - L'or de Clinchamp

A Clinchamp, il n'y a rien à voir, rien à faire, rien à attendre.
 
Si ce n'est stagner, s'enterrer puis mourir.
 
Moi je vais dans ce royaume d'ennui pour y découvrir des vaches à faces d'azur, des rats dans les nuages, des étoiles au fond des bois. Je me rends dans ce gouffre d'immobilisme pour y gravir des sommets de clarté, moi l'esthète, moi l'oiseau rare.
 
Je n'aime ce lieu excentré de l'Univers que parce qu'il fait fuir le citadin, inspire l'inertie au touriste, attriste le visiteur formaté par ce siècle : c'est au fond de cette cambrousse méconnue que je m'enrichis de pissenlits, m'enivre de mares, m'abreuve de verdure, médite devant les bouses, m'étonne de tout !
 
Comme si je me trouvais sur la Lune. Au coeur d'un pays lointain et mystérieux où derrière chaque chose anodine jaillissent des flots de poésie, tantôt désuète, tantôt lumineuse, parfois ténébreuse. Comme un mélange de ciel et de poussière, la rencontre de la pierre et de la paille, de la brume et de la flamme, de la terre et du vent.
 
C'est dire combien ce centre de toutes les pesanteurs dominicales, des terreuses langueurs provinciales, des pires déprimes hivernales et torpeurs estivales recèle de merveilles insoupçonnées qui se révèlent aux éveillés, ces âmes légères lassées des artifices et technologies de ce monde, se contentant de peu, comblées par l'essentiel.

C'est-à-dire par un pré où rêver, un bosquet où se promener, un arbre où se ressourcer, de l'herbe où s'étendre, un trou perdu où revivre.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".