23 mars 2023

25 - Clinchamp sous les éclats de novembre

Sous les torrents pluvieux de novembre et les flots de désespoir qui se marient si bien avec, Clinchamp est aux anges. C'est en ce mois d'effondrement du ciel et d'extinction des coeurs que la localité sombre dans un gouffre fécond, c'est-à-dire accède au sommet de mon idéal de rat éveillé.
 
Entre la glace et la mort, la pétrification et l'ensevelissement, le crépuscule et les ténèbres.
 
Un chef d'oeuvre de franche neurasthénie mêlée de noire rêverie. Le plus poétique boulet de charbon qui soit, avec ses minuscules éclats d'argent surgissant de la nuit.
 
Tels des diamants éternels enfouis dans une obscurité sans âge.
 
Des gouttes de joie authentique, par milliers, s'opposant à un océan de fausse déprime. Bref, les étincelles mêmes de la vie qui, tandis qu'elle semble définitivement ravie par nos cimetières, cherche à faire triompher sa lumière.
 
Tout autour de ce clocher voué à l'oubli, les ombres y sont brillantes. Mais qui les voit ?
 
Par-delà les apparences de plomb, les fossés boueux débordent d'azur. Les nuages déversent des flammes de bonheur brut sur les champs trempés de grises illusions. Et la brume des matins mortels, en réalité, est radieuse comme le feu du Soleil.
 
Les pluies frigorifiantes de l'automne qui tombent sur ce village d'enterrés ne sont point des cauchemars de lourdeurs et d'humidité en vérité, mais des averses de faveurs célestes pleines de légèreté.
 
La laideur des éléments finalement n'est qu'un mensonge, un pur artifice créé par l'esprit désenchanté. Alors que le beau est aussi vrai que le caillou : en toutes circonstances il resplendit dans l'oeil de l'éclairé.
 
Seules les âmes supérieures perçoivent ces étoiles cachées parce que leur regard intérieur est plein d'acuité. Les autres n'y verront que des fantômes.
 
Lorsqu'à la prétendue pire saison je viens volontairement m'enliser à Clinchamp, courbant la tête sous la tempête et plongeant les pieds dans la fange, j'éprouve la même allégresse que les rongeurs, corbeaux, taupes, mangeurs de racines et autres amis de l'esthète en guenilles que je suis.
 
Eux et moi trouvons nos véritables trésors au fond de la terre.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".