En arrivant à Clinchamp en ce mois de mars, je fus témoin de mille prodiges
minuscules ou grandioses. Et d'autant de sujets pleins de néant... Je découvris
l'aube telle une ombre, des hommes pareils à des arbres morts, des nuages gorgés
de mélancolie, des averses de mortelles habitudes, de la grêle d'argent et des
pluies d'azur, des vaches aussi déprimantes que des tombes et des pissenlits qui
ressemblaient à des étoiles.
Un véritable feu d'artifices de banalités et de féeries mêlées !
En ce lieu pas comme les autres, si anodin à première vue, des forces
mystérieuses m'avaient ouvert des portes secrètes. J'étais un initié en quête de
découvertes à qui l'on venait d'accorder le privilège d'emprunter des chemins
différents.
J'ignore qui étaient ces guides invisibles m'accordant cette faveur, mais
je sentais bien qu'en avançant, je montais.
J'entrai dans la face cachée de Clinchamp.
Plus je marchais dans cette campagne parcourue de vents et semée de
lourdeurs, plus je me trouvais léger, lumineux, subtil. Heureux de cette
opportunité et n'y cherchant pas plus d'explication, je partis en direction de
l'inconnu.
Je pénétrai dans un monde nouveau, un univers insoupçonné, un endroit
commun si proche de mes pas humains et cependant totalement étranger aux
profanes... Je me retrouvai entre ténèbre inquiétante et rêve radieux, jour
austère et sommet inviolé, horizon terne et brume brillante. Une réalité à la
fois aérienne et sépulcrale. J'avais l'impression de poser un pied sur le sol,
de plonger l'autre dans le ciel.
Et de sauter depuis la poussière jusqu'à l'océan.
Puis, aussitôt après, de devenir un oiseau aux plumes de pierre et de
lumière. Avec cette nouvelle sensation de raser la terre d'une aile et de
déployer l'autre dans l'éther... Et de partir ainsi vers les astres, sans jamais
perdre contact avec le plancher des ruminants, néanmoins.
Et là je rencontrai l'indicible, l'inexprimable, le fabuleux : des bois
illuminés de présences informes, des ruisseaux qui me regardaient avec leurs
yeux incolores, des herbes folles adressant des histoires sages et profondes à
la brise du soir, quinze cailloux aux allures d'écus, des airs de légendes
au-dessus des champs, des orages de silence pétrifiant, des tempêtes de paix
troublées par des intrus solitaires, des crépuscules désespérants d'humidité où
s'ébattaient tous les anges de l'automne, des images flamboyantes au fond des
fossés, des visages étranges reflétés dans les flaques d'eau, des flammes
sorties de la nuit, de rauques chants d'ogres semblables à des orgues, des
gueules de loup aux creux des feuillus,...
Et bien d'autres choses encore...
Le voyage que je fis fut si vertigineux que peu d'entre vous qui me lisez
croiront à ces mots.
Si vous n'êtes convaincus que par ce que vous voyez, n'allez jamais
rejoindre ce pays de merveilles aux si plates apparences. D'autres, plus
éveillés que vous, sauront en apprécier les véritables saveurs.
Sinon vous n'y verrez, en effet, que le vide de votre coeur et la misère de
votre âme.
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