14 mars 2023

21 - Clinchamp : fin et commencement de tout

En arrivant à Clinchamp en ce mois de mars, je fus témoin de mille prodiges minuscules ou grandioses. Et d'autant de sujets pleins de néant... Je découvris l'aube telle une ombre, des hommes pareils à des arbres morts, des nuages gorgés de mélancolie, des averses de mortelles habitudes, de la grêle d'argent et des pluies d'azur, des vaches aussi déprimantes que des tombes et des pissenlits qui ressemblaient à des étoiles.
 
Un véritable feu d'artifices de banalités et de féeries mêlées !
 
En ce lieu pas comme les autres, si anodin à première vue, des forces mystérieuses m'avaient ouvert des portes secrètes. J'étais un initié en quête de découvertes à qui l'on venait d'accorder le privilège d'emprunter des chemins différents.
 
J'ignore qui étaient ces guides invisibles m'accordant cette faveur, mais je sentais bien qu'en avançant, je montais.
 
J'entrai dans la face cachée de Clinchamp.
 
Plus je marchais dans cette campagne parcourue de vents et semée de lourdeurs, plus je me trouvais léger, lumineux, subtil. Heureux de cette opportunité et n'y cherchant pas plus d'explication, je partis en direction de l'inconnu.
 
Je pénétrai dans un monde nouveau, un univers insoupçonné, un endroit commun si proche de mes pas humains et cependant totalement étranger aux profanes... Je me retrouvai entre ténèbre inquiétante et rêve radieux, jour austère et sommet inviolé, horizon terne et brume brillante. Une réalité à la fois aérienne et sépulcrale. J'avais l'impression de poser un pied sur le sol, de plonger l'autre dans le ciel.
 
Et de sauter depuis la poussière jusqu'à l'océan.
 
Puis, aussitôt après, de devenir un oiseau aux plumes de pierre et de lumière. Avec cette nouvelle sensation de raser la terre d'une aile et de déployer l'autre dans l'éther... Et de partir ainsi vers les astres, sans jamais perdre contact avec le plancher des ruminants, néanmoins.
 
Et là je rencontrai l'indicible, l'inexprimable, le fabuleux : des bois illuminés de présences informes, des ruisseaux qui me regardaient avec leurs yeux incolores, des herbes folles adressant des histoires sages et profondes à la brise du soir, quinze cailloux aux allures d'écus, des airs de légendes au-dessus des champs, des orages de silence pétrifiant, des tempêtes de paix troublées par des intrus solitaires, des crépuscules désespérants d'humidité où s'ébattaient tous les anges de l'automne, des images flamboyantes au fond des fossés, des visages étranges reflétés dans les flaques d'eau, des flammes sorties de la nuit, de rauques chants d'ogres semblables à des orgues, des gueules de loup aux creux des feuillus,...
 
Et bien d'autres choses encore...
 
Le voyage que je fis fut si vertigineux que peu d'entre vous qui me lisez croiront à ces mots.
 
Si vous n'êtes convaincus que par ce que vous voyez, n'allez jamais rejoindre ce pays de merveilles aux si plates apparences. D'autres, plus éveillés que vous, sauront en apprécier les véritables saveurs.

Sinon vous n'y verrez, en effet, que le vide de votre coeur et la misère de votre âme.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".