10 janvier 2024

85 - Clinchamp sous la neige

Les chutes de neige à Clinhamp annoncent toujours des fêtes lugubres dans les têtes, des enchantements sépulcraux sur la plaine, des charmes morbides dans l'air...
 
Le grand théâtre de la mort s'installe alors mollement sur ce monde de deuil pour le blanchir d'un interminable et pétrifiant cauchemar poétique.
 
Tout devient grave et sublime, solennel et mystérieux, austère et somnambulique.
 
Les flocons apportent une ombre supplémentaire au paysage. Et le jour devient une nuit éclatante.
 
La nappe nivéenne qui s'étend à perte de vue fait sombrer l'horizon dans un néant de clarté. Et on ne sait plus où l'on est : au sommet d'une terre ou dans un gouffre céleste, à l'entrée d'un nouveau vertige ou au bout d'un long voyage, au seuil d'un infini ou au bord d'un sommeil ultime...
 
En haut d'une autre réalité ou bien au fond d'un vieux rêve ?
 
Le temps est figé dans l'inertie, le gel, le silence : il n'y a plus de frontière entre le présent et l'éternité.
 
Dans ce village étrange dont le nom sonne si bien avec "champs", la nature prend un visage  fantasmagorique sous janvier.
 
La poudreuse y fait briller la campagne de son sourire mortel et beau.
 
Et les hommes cachés dans leurs trous, là-bas, effrayés par ce spectre de glace qui les étreint toute une saison, deviennent des boules de froid qui n'attendent que le dégel, n'espèrent que la caresse tiède et flasque d'avril. Tandis que les esthètes de mon espèce demeurent des âmes de feu couvertes de givre et pleines de joie !
 
Chaque année l'intempérie hivernale est accueillie tel un messager des pompes funèbres par les habitants de Clinchamp.

Mais pour les initiés comme moi sensibles aux causes éthéréennes, elle a les allures festives et légères d'un printemps de pierre, porteuse d'une flamme d'âpre douceur et de polaire beauté.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".