La plaine mortelle, morne et froide qui s'étend face à moi m'inspire des
sentiments de vieux corbeau, des ivresses de vagabond de l'azur, des vertiges de
rêveur des bois...
A Clinchamp je me sens si seul, si loin de tout, si proche de moi-même, que
je m'apparente à un ermite.
Fou et heureux.
Au milieu de rien, plongé dans ces immensités d'ombres et de labours qui
n'attirent que des fantômes, des oiseaux égarés et des rats solitaires, je suis
aussi léger que la brume, démesuré comme les nuages... Alors mon regard embrasse
terres et nues et mes ailes, vastes et immatérielles, se confondent avec
l'horizon.
Je deviens un géant dans la grisaille, un aigle au-dessus du paysage en
deuil, une âme dans des sommets de mélancolie.
Ailleurs qu'en ce monde où se traînent des destins anonymes, hors des
platitudes de ces mortels en sabots qui vivent avec placidité, plus bas, dans le
village inerte, terne, crotté.
Physiquement je ressemble à un fétu de paille au coeur de l'océan et
demeure quasi invisible aux autres hommes. Tandis qu'aux yeux du ciel,
j'apparais telle une présence gigantesque dans les airs.
Je suis un traverseur de siècles, une vague dans l'espace, un voyageur de
l'infini.
A Clinchamp, dérisoire clocher d'une cambrousse perdue, minuscule point
d'insignifiance sur le globe et pourtant puits d'insondable mystère dès qu'on y
pose la semelle, et c'est là mon plus doux secret, je trouve chaussure à mon
pied, mesure à mon pas, hauteur à mon vol.
Là bas, contrairement à ce que montrent les abords les plus triviaux, il
n'y a pas de fin, car, pourvu que l'on sache où regarder, quelle porte ouvrir et
où aller, tout prend alors des allures définitivement oniriques.
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