09 mars 2024

97 - Randonnée à Clinchamp

Je parcours les terres ordinaires de Clinchamp, le coeur telle une plume, le pas comme une aile, les idées en  pleine altitude, inspiré par les muses de la platitude, à l'affût de la moindre insignifiance, émerveillé par les fulgurantes banalités que je croise.
 
Ne m'attendant à aucune déception, je me retrouve face à d'autres surprises que celles auxquelles j'aurais pu être confronté.
 
Ainsi la poussière, les cailloux, les herbes, les fossés, les arbustes et buissons prennent des allures nouvelles : ce ne sont plus de simples éléments inertes de la campagne que je vois, mais des signes, des présences, des phares qui jalonnent mon humble aventure initiatique. Des existences muettes, discrètes, devenues presque invisibles aux yeux du commun, mais vibrantes sous mon regard, faisant partie d'un quotidien secret, enfoui, mystérieux...
 
Bref, je  traverse cet univers trivial les semelles alourdies par les pesanteurs du sol, mais l'âme à la verticale.
 
Heureux de mon sort de flâneur, vagabondant avec mes rêves pour toutes compagnies, je me promène là où nul ne vient jamais s'égarer, précisément parce qu'il n'y a rien à voir, rien à faire, rien à gagner.
 
Alors même qu'au premier abord tout autour de moi n'est que brume, silence et déprime dans cette progression vers ce qui semble n'être que de l'ombre, du vide et de la solitude, en réalité je marche la tête dans la lumière.
 
Je ne rencontre que des petits riens, des formes sans importance, de modestes choses à portée de vue, sur mon chemin de misère. Une flamme m'éclaire cependant.
 
L'horizon n'est point mon but. Ni le ciel ni le Soleil. Non, moi ce que je veux, c'est rejoindre le fond de cette toile terne, plonger dans ce crépuscule sans borne, aller plus loin que les profanes qui bêtement s'arrêtent aux immédiates apparences, reculent devant ce qu'ils estiment être dérisoire, fuient tout ce qui ressemble à l'ennui.
 
Je ne tombe finalement que sur quelques fleurs pâles, uniques trésors semés sur ma route.

Et après avoir exploré cet océan, introuvable pour qui ne le cherche pas, sondé cette immensité à laquelle n'ont pas accès les esprits étriqués, gravi ce sommet hors d'atteinte des natures vulgaires, le soir, fatigué mais rempli de sobre bonheur, je me couche en emportant dans mon sommeil la clarté de ces minces étoiles récoltées aux creux des sentiers.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".