Nul mortel ordinaire et raisonnable ne vient jamais passer ses vacances
estivales dans cet asile obscur, aride et reculé appelé "Clinchamp". Les natures
conventionnelles à l'esprit grégaire préfèrent parcourir des contrées plus
agitées.
Seuls les fous élisent ce lieu pas comme les autres pour y passer la saison
chaude.
Tels des oiseaux étranges venus d'on ne sait quels horizons, ils accostent
ce rivage crépusculaire afin d'y respirer son air pétrifiant.
Mystérieusement attirés par les promesses insensées de ce patelin perdu aux
lendemains tous pareils, de ces terres figées et de ces hommes sans histoire,
ces drôles de voyageurs séjournent avec bonheur dans ce royaume de tous les
naufrages.
Il y nichent soit pour la durée d'un long rêve glacial qui leur rafraîchit
profitablement les idées, soit pour s'y éterniser confortablement en compagnie
des morts. A chaque fois il y trouvent de quoi oublier les vulgarités du monde
et de se délester de ses lourdeurs. Dans les deux cas, ces hôtes esthètes,
qu'ils demeurent durablement ou bien qu'ils repartent dès la fin de l'été,
succombent invariablement aux séductions morbides de cet olympe d'ombres et de
songes.
Sous le Soleil de juillet, ils gisent agréablement, écrasés par les heures
indolentes qui s'étirent, interminables. Et pleines de vide à combler.
La torpeur les transporte.
Et bien qu'ils soient dûment immobilisés sur le plancher des vaches, ils
s'envolent très haut, vont fort loin, atteignent l'ailleurs.
Leur aventure est statique et cependant fulgurante.
En se déplaçant jusqu'ici, ces pèlerins de l'impossible venus tuer si fructueusement le temps ont accédé à leur ciel ultime de septembre.
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