01 mars 2024

91 - Vacances d'été à Clinchamp

Nul mortel ordinaire et raisonnable ne vient jamais passer ses vacances estivales dans cet asile obscur, aride et reculé appelé "Clinchamp". Les natures conventionnelles à l'esprit grégaire préfèrent parcourir des contrées plus agitées.
 
Seuls les fous élisent ce lieu pas comme les autres pour y passer la saison chaude.
 
Tels des oiseaux étranges venus d'on ne sait quels horizons, ils accostent ce rivage crépusculaire afin d'y respirer son air pétrifiant.
 
Mystérieusement attirés par les promesses insensées de ce patelin perdu aux lendemains tous pareils, de ces terres figées et de ces hommes sans histoire, ces drôles de voyageurs séjournent avec bonheur dans ce royaume de tous les naufrages.
 
Il y nichent soit pour la durée d'un long rêve glacial qui leur rafraîchit profitablement les idées, soit pour s'y éterniser confortablement en compagnie des morts. A chaque fois il y trouvent de quoi oublier les vulgarités du monde et de se délester de ses lourdeurs. Dans les deux cas, ces hôtes esthètes, qu'ils demeurent durablement ou bien qu'ils repartent dès la fin de l'été, succombent invariablement aux séductions morbides de cet olympe d'ombres et de songes.
 
Sous le Soleil de juillet, ils gisent agréablement, écrasés par les heures indolentes qui s'étirent, interminables. Et pleines de vide à combler.
 
La torpeur les transporte.
 
Et bien qu'ils soient dûment immobilisés sur le plancher des vaches, ils s'envolent très haut, vont fort loin, atteignent l'ailleurs.
 
Leur aventure est statique et cependant fulgurante.

En se déplaçant jusqu'ici, ces pèlerins de l'impossible venus tuer si fructueusement le temps ont accédé à leur ciel ultime de septembre.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".