08 mars 2024

95 - Un arc-en-ciel à Clinchamp

Après bien des pluies et des pleurs, tant d'ombres glacées et de dimanches mornes, maints vents issus de jours ordinaires et cent autres sanglots nocturnes, les couleurs du rêve éveillé apparaissent dans l'azur de Clinchamp.
 
En ce mois de mars encore imprégné des torpeurs de l'hiver, un arc-en-ciel brille dans les nues.
 
Avec, au-dessous, un village terne, des champs trempés, des bêtes placides, des hommes émerveillés.
 
A croire que ces éclats célestes font partie des rares miracles observables capables de faire se relever la tête des habitants en ce lieu maudit où pas un citadin n'aurait l'idée de venir s'encroûter...
 
Certes l'enchantement suscité est bref, et certaines attitudes sont superficielles, lourdes ou vulgaires face à la légèreté du ciel.
 
Cependant ces âmes grossières, passagèrement éblouies par l'illumination, ont le temps de monter un peu plus haut que d'habitude au-dessus de leur monde étriqué. Et, aussi éphémère que soit leur ascension, ils peuvent accéder à une réalité élevée, au sens propre comme au figuré. Loin des petitesses de leur quotidien de pesanteurs et des lassitudes de leurs existences matérielles.
 
Ces courbes colorées traversant leur univers champêtre, aussi insaisissables que dénuées de valeur pour leur préoccupations pratiques, placées malheureusement hors du champ dominant de leurs vie domestique, sont considérées par eux comme une bagatelle de la nature. Certainement agréables à regarder sur le moment mais fondamentalement inutiles à leurs yeux.
 
Ils s'exclament de ravissement en voyant ce vaste pont d'air et d'ondes culminer au zénith et l'instant d'après n'y pensent déjà plus.
 
Ces coups de pinceau cosmique suffisent pourtant à apporter un peu lumière au fond de ces êtres aux aspirations strictement prosaïques et aux vues purement horizontales.
 
La preuve : j'ai remarqué qu'à force de lire mes textes à leur sujet, ils s'attardaient de moins en moins sur leurs pieds et commençaient à diriger leurs regards vers les nuages.

Il semble que les incarnés de Clinchamp ne soient finalement point aussi dénués d'esprit que je le pensais, à l'heure fatidique où chez eux resplendissent les lueurs aériennes.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".