Après bien des pluies et des pleurs, tant d'ombres glacées et de dimanches
mornes, maints vents issus de jours ordinaires et cent autres sanglots
nocturnes, les couleurs du rêve éveillé apparaissent dans l'azur de
Clinchamp.
En ce mois de mars encore imprégné des torpeurs de l'hiver, un arc-en-ciel
brille dans les nues.
Avec, au-dessous, un village terne, des champs trempés, des bêtes placides,
des hommes émerveillés.
A croire que ces éclats célestes font partie des rares miracles observables
capables de faire se relever la tête des habitants en ce lieu maudit où pas un
citadin n'aurait l'idée de venir s'encroûter...
Certes l'enchantement suscité est bref, et certaines attitudes sont
superficielles, lourdes ou vulgaires face à la légèreté du ciel.
Cependant ces âmes grossières, passagèrement éblouies par l'illumination,
ont le temps de monter un peu plus haut que d'habitude au-dessus de leur monde
étriqué. Et, aussi éphémère que soit leur ascension, ils peuvent accéder à une
réalité élevée, au sens propre comme au figuré. Loin des petitesses de leur
quotidien de pesanteurs et des lassitudes de leurs existences matérielles.
Ces courbes colorées traversant leur univers champêtre, aussi
insaisissables que dénuées de valeur pour leur préoccupations pratiques, placées
malheureusement hors du champ dominant de leurs vie domestique, sont considérées
par eux comme une bagatelle de la nature. Certainement agréables à regarder sur
le moment mais fondamentalement inutiles à leurs yeux.
Ils s'exclament de ravissement en voyant ce vaste pont d'air et d'ondes
culminer au zénith et l'instant d'après n'y pensent déjà plus.
Ces coups de pinceau cosmique suffisent pourtant à
apporter un peu lumière au fond de ces êtres aux aspirations strictement
prosaïques et aux vues purement horizontales.
La preuve : j'ai remarqué qu'à force de lire mes textes à leur sujet, ils
s'attardaient de moins en moins sur leurs pieds et commençaient à diriger leurs
regards vers les nuages.
Il semble que les incarnés de Clinchamp ne soient finalement point aussi
dénués d'esprit que je le pensais, à l'heure fatidique où chez eux
resplendissent les lueurs aériennes.
VOIR LA VIDEO :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire