Loin du monde dans un village de la Haute-Marne, j'ai mon trou
secret.
Au milieu de rien, entouré de silence, d'herbes folles et de terres
anonymes, je me fais oublier de tous les hommes. Au fond de ces champs de
platitudes, aux abords de ces bois banals, au coeur de cette mortelle
cambrousse, je m'abreuve de poésie amère, me nourris d'ombre légère et m'enivre
de lumière de plomb.
Je regarde les vaches chier, le ciel blanchir, les nuages passer. Et laisse
bleuir mon âme, lentement.
Je passe ainsi mes journées à observer les événements les plus anodins qui
soient pour en faire un festin d'heures immortelles. Alors un flot de
mélancolie me berce, un océan de rêves me submerge, et puis l'Univers entier se
ramasse dans mon antre, là à mes pieds, dans ce coin perdu aussi minuscule
qu'une fosse à rats. Le reste de la planète n'existe plus pour moi.
Mon paradis terrestre se résume à un carré d'humus, à quelques branchages,
à un tapis de feuille sèches là-bas entre les cailloux du sol et le Soleil de
l'éternité, quelque part à Clinchamp.
C'est depuis ce point zéro du Cosmos que je m'envole, mais guère plus haut
que le clocher de la commune, afin de ne pas perdre de vue les pissenlits des
chemins, les bouses de bovidés, la faune des fourrés, l'humilité des
jours.
Même au sommet de mes fulgurances, je ne souhaite pas quitter cette vaste étable peuplée de bêtes et de bipèdes foulant la verdure et respirant l'azur de leur territoire
étriqué aux si âpres apparences.
Elle est devenue la plus féconde source de ma plume et ma plus brûlante
flamme intérieure.
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