29 avril 2023

39 - Les aubes de Clinchamp

Le jour qui renaît ressemble à une ombre, les nues ont des légèretés d'enclumes et les vivants se réveillent pour mieux mourir : l'aube se lève sur Clinchamp !
 
Tandis que les rêves de la nuit s'éteignent, les chandelles de l'ennui se rallument dans ce village où il n'y a rien à attendre. Toute chose recommence dans le vide du matin pour se terminer dans le gouffre du crépuscule.
 
Les hommes ont des pesanteurs de bêtes et les nuages des intentions aussi froides que possible. Les chemins se perdent dans la campagne, les oiseaux se cachent et les brumes cherchent de mortels refuges au fond des bois. Rien de chaleureux ne vient briser cette harmonie de glace.
 
Cette journée qui s'annonce, pareille à toutes les autres, est un énième et sempiternel dimanche, car, en ce pays d'inertie, chaque heure qui passe est une tombe qui s'éternise, un marbre qui regarde couler les siècles, une pierre qui s'enfonce dans le passé et s'inhume dans l'oubli.
 
Le Soleil déverse en vain ses rayons sur cette nécropole peuplée d'épouvantails en sabots et de vaches aux regards flasques.
 
Ce monde est morne, sans avenir, les coeurs sont obscurcis et le ciel agonise de grisaille, sombre dans la léthargie : la gloire de l'astre est à son paroxysme !
 
La rosée endeuille ce royaume d'andouilles pétrifiées dans la gelée de l'apathie. Seules frémissent les antennes paraboliques des foyers sclérosés et brillent les carrosseries des voitures garées... Et surtout, seuls s'allument les écrans avec leurs théâtres de fantômes et leurs simulacres de vie, leurs atones artifices, leur virtuelles promesses... Et ces âmes déracinées du réel n'ont plus que ces flammes artificielles en formes de mensonges pour éclairer leurs existences d'humains...
 
Ils ne perçoivent plus les beautés de la simplicité.
 
Et pendant ce temps, loin de ces bulles de néant calfeutrées dans leur insignifiance, très haut dans l'azur, juste au-dessus de cette vaste étable de veaux hyper-connectés, brûle pour encore une éternité notre intarissable étoile.
 
Demain, cet été ou bien dans mille ans, elle remplacera l'indifférence par la joie et les mirages de la technologie par sa divine lumière.

Non, Clinchamp n'est point encore mort !

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".