Le jour qui renaît ressemble à une ombre, les nues ont des légèretés
d'enclumes et les vivants se réveillent pour mieux mourir : l'aube se lève sur
Clinchamp !
Tandis que les rêves de la nuit s'éteignent, les chandelles de l'ennui se
rallument dans ce village où il n'y a rien à attendre. Toute chose recommence
dans le vide du matin pour se terminer dans le gouffre du crépuscule.
Les hommes ont des pesanteurs de bêtes et les nuages des intentions aussi
froides que possible. Les chemins se perdent dans la campagne, les oiseaux se
cachent et les brumes cherchent de mortels refuges au fond des bois. Rien de
chaleureux ne vient briser cette harmonie de glace.
Cette journée qui s'annonce, pareille à toutes les autres, est un énième et
sempiternel dimanche, car, en ce pays d'inertie, chaque heure qui passe est une
tombe qui s'éternise, un marbre qui regarde couler les siècles, une pierre qui
s'enfonce dans le passé et s'inhume dans l'oubli.
Le Soleil déverse en vain ses rayons sur cette nécropole peuplée
d'épouvantails en sabots et de vaches aux regards flasques.
Ce monde est morne, sans avenir, les coeurs sont obscurcis et le ciel
agonise de grisaille, sombre dans la léthargie : la gloire de l'astre est à son
paroxysme !
La rosée endeuille ce royaume d'andouilles pétrifiées dans la gelée de
l'apathie. Seules frémissent les antennes paraboliques des foyers sclérosés et
brillent les carrosseries des voitures garées... Et surtout, seuls s'allument
les écrans avec leurs théâtres de fantômes et leurs simulacres de vie, leurs
atones artifices, leur virtuelles promesses... Et ces âmes déracinées du réel
n'ont plus que ces flammes artificielles en formes de mensonges pour éclairer
leurs existences d'humains...
Ils ne perçoivent plus les beautés de la simplicité.
Et pendant ce temps, loin de ces bulles de néant calfeutrées dans leur
insignifiance, très haut dans l'azur, juste au-dessus de cette vaste étable de
veaux hyper-connectés, brûle pour encore une éternité notre intarissable
étoile.
Demain, cet été ou bien dans mille ans, elle remplacera l'indifférence par
la joie et les mirages de la technologie par sa divine lumière.
Non, Clinchamp n'est point encore mort !
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