Les rats de Clinchamp me font rêver.
Ils donnent à ce village d'enterrés une saveur cachée et apportent un
charme supplémentaire à ses obscurités.
Ils incarnent les sommets invisibles de son plat clocher, les profondeurs
âpres de son fade horizon, les incisives folles de ses molles terres.
Et sont les présages de nos sommeils peuplés de drôles d'oiseaux, nous qui
venons en importuns. Mais aussi de jours aussi irréels que des mythes. De quoi
dépayser tout parisien frileux ou n'importe quel autre citadin aux semelles
lustrées !
Avec eux, vous aurez la certitude de n'être plus ici que dans un trou, loin
de tout !
Les rongeurs égayent les dimanches mornes de leur ténébreuse compagnie et
brisent l'ennui des soirées sans feu à travers l'horreur de leur face.
Ils sont glaçants comme des flammes noires dans la nuit. Leur présence
furtive et intrusive parmi les herbes, dans les champs, sous nos pieds, ajoute
du sel et de la vigueur à cette contrée d'ombre et d'immobilisme.
Sous ce ciel qui m'est si cher, sans autre issue que le naufrage du temps
et le plomb des sabots, les hôtes de la fosse et de la fange ont cependant des
allures angéliques. Au moins à mes yeux, car plus haut que leurs têtes
cafardeuses, je perçois cette lumière, cet azur, cette légèreté qui brillent,
sublimes, par-delà les plus grossières apparences. Ces éclats secrets qui sont
la quintessence de la vie.
Ils émanent surtout des êtres et des éléments les plus humbles.
A l'image de ce qu'est en réalité Clinchamp, royaume de mares et de vaches
fait non pour la lourdeur mais pour la pure poésie.
Et, ainsi qu'à travers les pesants bovidés du coin je vois de subtiles
créatures célestes venues sur terre éprouver le coeur des hommes, au-dessus des
pattes sombres de ces bêtes de la poussière, je discerne les grandes ailes
blanches des messagers de la lyre.
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