26 avril 2023

37 - Les rats de Clinchamp

Les rats de Clinchamp me font rêver.
 
Ils donnent à ce village d'enterrés une saveur cachée et apportent un charme supplémentaire à ses obscurités.
 
Ils incarnent les sommets invisibles de son plat clocher, les profondeurs âpres de son fade horizon, les incisives folles de ses molles terres.
 
Et sont les présages de nos sommeils peuplés de drôles d'oiseaux, nous qui venons en importuns. Mais aussi de jours aussi irréels que des mythes. De quoi dépayser tout parisien frileux ou n'importe quel autre citadin aux semelles lustrées !
 
Avec eux, vous aurez la certitude de n'être plus ici que dans un trou, loin de tout !
 
Les rongeurs égayent les dimanches mornes de leur ténébreuse compagnie et brisent l'ennui  des soirées sans feu à travers l'horreur de leur face.
 
Ils sont glaçants comme des flammes noires dans la nuit. Leur présence furtive et intrusive parmi les herbes, dans les champs, sous nos pieds, ajoute du sel et de la vigueur à cette contrée d'ombre et d'immobilisme.
 
Sous ce ciel qui m'est si cher, sans autre issue que le naufrage du temps et le plomb des sabots, les hôtes de la fosse et de la fange ont cependant des allures angéliques. Au moins à mes yeux, car plus haut que leurs têtes cafardeuses, je perçois cette lumière, cet azur, cette légèreté qui brillent, sublimes, par-delà les plus grossières apparences. Ces éclats secrets qui sont la quintessence de la vie.
 
Ils émanent surtout des êtres et des éléments les plus humbles.
 
A l'image de ce qu'est en réalité Clinchamp, royaume de mares et de vaches fait non pour la lourdeur mais pour la pure poésie.

Et, ainsi qu'à travers les pesants bovidés du coin je vois de subtiles créatures célestes venues sur terre éprouver le coeur des hommes, au-dessus des pattes sombres de ces bêtes de la poussière, je discerne les grandes ailes blanches des messagers de la lyre.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".