C'est la fête à Clinchamp : un cauchemar estival de lampions ternes et de
manèges mornes.
Une descente dans un siècle sombre, névrotique, morbide, où les
distractions ne diffèrent guère des communes activités domestiques : aussi
sinistres qu'ennuyeuses.
N'oublions pas que ce village est un cimetière peuplé de morts-nés qui
stagnent depuis une éternité sous un ciel pétrifié.
Mais entrons sans tarder dans le tourbillon sclérosé de ces âmes
endimanchées en quête d'ivresse et de frissons à prix modestes...
Des chevaux de bois aux profils terrifiants emportent dans leur ronde dix
enfants en larmes dans un fracas de rouages grippés. Plus loin, des clowns qui
ne font rire personne tentent de capter l'attention de mères de famille obèses
et fatiguées en leur adressant des grimaces libidineuses déplacées et
inquiétantes. Ici et là, des vendeurs de guimauves écoeurantes racolent les
villageois avec des promesses mensongères d'un bonheur gustatif qui finira
invariablement dans une visqueuse flaque de vomi.
Des vieillards au bord de la tombe, comme égarés parmi ces mortels
bigarrés, cherchent les fantômes de leurs souvenirs, croyant, bien en vain, pouvoir retrouver leur passé à travers ces spectres de chair et ces visages de
pierre, burinés par les duretés de cette campagne perdue.
En guise d'images de leur jeunesse, ils ne croisent que les ombres et les
faces affligées des fêtards leur annonçant leur fin prochaine.
Des forains aux mines patibulaires proposent aux plus naïfs leurs mauvais
tours. Plusieurs crédules se font arnaquer et repartent plus aigris qu'en
arrivant, plus tristes que jamais et pourtant dépaysés de leur quotidien le
temps d'un sanglot, d'une heure à perdre, d'une grisaille à oublier...
Et le soir, lorsque les chapiteaux sont remballés, les portes fermées, les
espoirs déçus, les coeurs en berne, la vraie lumière revient en ce trou maudit :
celle des rêves libérateurs de la nuit.
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