24 juin 2023

52 - Jour de fête à Clinchamp

C'est la fête à Clinchamp : un cauchemar estival de lampions ternes et de manèges mornes.
 
Une descente dans un siècle sombre, névrotique, morbide, où les distractions ne diffèrent guère des communes activités domestiques : aussi sinistres qu'ennuyeuses.
 
N'oublions pas que ce village est un cimetière peuplé de morts-nés qui stagnent depuis une éternité sous un ciel pétrifié.
 
Mais entrons sans tarder dans le tourbillon sclérosé de ces âmes endimanchées en quête d'ivresse et de frissons à prix modestes...
 
Des chevaux de bois aux profils terrifiants emportent dans leur ronde dix enfants en larmes dans un fracas de rouages grippés. Plus loin, des clowns qui ne font rire personne tentent de capter l'attention de mères de famille obèses et fatiguées en leur adressant des grimaces libidineuses déplacées et inquiétantes. Ici et là, des vendeurs de guimauves écoeurantes racolent les villageois avec des promesses mensongères d'un bonheur gustatif qui finira invariablement dans une visqueuse flaque de vomi.
 
Des vieillards au bord de la tombe, comme égarés parmi ces mortels bigarrés, cherchent les fantômes de leurs souvenirs, croyant, bien en vain, pouvoir retrouver leur passé à travers ces spectres de chair et ces visages de pierre, burinés par les duretés de cette campagne perdue.
 
En guise d'images de leur jeunesse, ils ne croisent que les ombres et les faces affligées des fêtards leur annonçant leur fin prochaine.
 
Des forains aux mines patibulaires proposent aux plus naïfs leurs mauvais tours. Plusieurs crédules se font arnaquer et repartent plus aigris qu'en arrivant, plus tristes que jamais et pourtant dépaysés de leur quotidien le temps d'un sanglot, d'une heure à perdre, d'une grisaille à oublier...

Et le soir, lorsque les chapiteaux sont remballés, les portes fermées, les espoirs déçus, les coeurs en berne, la vraie lumière revient en ce trou maudit : celle des rêves libérateurs de la nuit.

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L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".