19 août 2023

65 - Le curé de Clinchamp

Le curé de Clinchamp sonne les cloches en slip.
 
Non pas qu'il soit particulièrement irrévérencieux envers l'institution religieuse, loin de là. Simplement nous avons affaire à un personnage fantasque.
 
Et s'il fait ainsi résonner l'airain vêtu du strict minimum, généralement entre juin et septembre, c'est pour la bonne raison qu'il fait trop chaud à son goût et qu'il prend ses aises, sans autre façon. En hiver il tire la corde du clocher habillé de manière plus conventionnelle. Notons qu'il agite le métal manuellement, à l'ancienne.
 
On l'aura compris, l'église n'est pas électrifiée.
 
Au village le bon prêtre ne passe pas inaperçu. Il affiche sans complexe ses convictions royalistes en arborant une ostensible fleur de lys cousue sur sa soutane.
 
Dans un esprit de franche contradiction misogyne à vocation hautement pédagogique, il compare les habitantes de la commune qu'il estime avenantes, aux vaches paissant sous le ciel et chiant dans les champs, sachant bien qu'aucune de ces ouailles n'osera lui tenir tête, lui qui défend ses idées anguleuses avec autant de fracas que de farouche sainteté.
 
En effet, ardent opposant à l'avortement comme au mariage entre sodomites et entre tribades, il se dresse héroïquement contre les organismes républicains dits progressistes, en usant des moyens les plus extrêmes : insultes, menaces, envois d'excréments par la poste à ses détracteurs.
 
Le pieux homme de la paroisse donne volontiers des conférences dans son presbytère à des publics ultraconfidentiels composés de deux à trois personnes (en réalité des auditoires peu intéressés), sur des sujets soit généraux, soit très pointus, allant des dangers de l'alcoolisme à la manipulation des malades par le corps médical abusant d'un jargon pédant, en passant par l'inutilité du port du pantalon chez la femme ou la nocivité des plombs de chasse répandus dans la campagne.
 
Bref, le sonneur des voix sacrées fait beaucoup de bruit dans le bourg.

Personnalité incontournable de ce coin parfaitement inconnu de la France la plus secrète, l'abbé de la Belle Etoile -c'est son nom- brille comme un astre majeur au coeur des destins mineurs qui l'entourent.

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai embrassé l'Univers d'un regard à la fois grave et loufoque, limpide et fulgurant, lucide et léger, aérien et "enclumier".