Le premier janvier à Clinchamp, c'est comme la dernière aube de la fin du
monde : un jour qui cherche à briller au coeur d'une sempiternelle brume.
Et qui, à sa manière, y parvient !
En cette journée remarquable de l'année, le clocher de cet illustre village
endormi perce le ciel de sa glorieuse insignifiance, fidèle à ce qu'il a
toujours été. Selon sa bonne habitude, l'horizon de ce royaume de l'inertie
demeure figé dans son attitude hautement champêtre. Enfin, les terres de cette
contrée aussi fastueuse qu'un interminable dimanche ne cessent de s'étendre dans
une infinie torpeur...
Rien ne change, rien ne bouge, rien ne se perd. Tout stagne. En cela, nulle
mauvaise surprise n'est à redouter.
Seuls les morts, peut-être, s'animent dans ce tourbillon d'immobilisme
général, réveillés par le silence.
Et tandis qu'en cette heure cruciale retentissent les trompettes et
tambours de la léthargie, la pluie de l'ennui commence à tomber.
Et c'est là précisément que pour les habitants naissent les rêves éclatants
de l'an.
En ce pays agreste, les pensées mornes des hommes lourds arrosent avec
pragmatisme la campagne de leurs aspirations glaciales. Et les réflexions les
plus sèches sortant de leurs chapeaux expérimentés abreuvent les sillons d'une
féconde amertume. Ici les gens ont un solide sens des réalités ! Ils cultivent
des trésors dûment palpables, ce qui est bien suffisant pour eux !
Un enfer rural pour citadins mais un véritable enchantement pour ermites.
Il faut savoir que ce théâtre pastoral englué dans ses langueurs ancestrales est
mon paradis d’exilé aux ailes de corbeau.
Bref, les douze mois à venir seront délicieusement crépusculaires. Une
longue et magique nuit entre le gel et la boue, les nuages et les étoiles, la
Lune et la pluie, la grêle de l’hiver et l’assoupissement estival.
Les initiés de mon espèce se délectent de ces flammes ternes du lendemain
de la Saint-Sylvestre qui pétrifient ce patelin dans des siècles d'austère
bonheur.
Et font perdurer les cendres mourantes de ce mythe anémique de la
Haute-Marne.
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