Je suis sur le sol de la réalité et sous le ciel de mes rêves, à Clinchamp
précisément.
C'est aussi la terre des sédentaires et l'azur des voyageurs, le paysage
des mortels et l'infini des oiseaux, la vérité des hommes et l'horizon des
vaches.
Là, je me trouve face à rien et attends que tout se passe, sachant que même
le néant en ce lieu reste encore un évènement notable. Je ne doute pas que tout
espoir assez sûr sera comblé soit de flammes pures soit de poires bien mûres,
tant ce microcosme champêtre est chargé de petits riens fracassants, d'ombres
fulgurantes et de vides recélant des tempêtes. Jamais je ne serai déçu à
demeurer là, les pieds dans le présent, la tête ailleurs.
Je me tiens debout entre le pire et le meilleur, à cheval entre le silence
et la lumière, juste au milieu du monde, à la frontière du cauchemar et de la
vie. Ce n'est point de la tiédeur, loin de là, car en cet endroit ultime la
moyenne n'existe pas. Mais plutôt le mélange de l'amer et du beau, du dur et du
haut, de l'âpre et de l'éther.
Devant moi, les champs, quelques chemins, de l'herbe, une étendue anonyme.
Au-dessus, des nuages, une immensité d'air, du vent, un océan d'imaginaire Et
derrière, le cul d'une bête à cornes qui s'ouvre sur le Cosmos pour y déverser
placidement une bouse molle et odorante.
Et tout est bon, tout chante et tout rayonne dans cette vaste harmonie
bucolique où je me sens comme un astre au milieu d'une galaxie.
La paix règne dans ces limbes agitées de platitudes vertigineuses et
d'immobilisme éclatant.
Ainsi en va-t-il de la grande aventure pastorale dans ce clocher de toutes
les pétrifications où se déploient avec majesté les voiles de l'intemporel
ennui.
Et voguent les pensées les plus vagabondes.
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