19 novembre 2024

102 - Clinchamp, cet ailleurs sans fin

En septembre 1992 sans le savoir je suis allé rejoindre le sommet étincelant de mon existence, qui constitue également le gouffre de l'ennui et le pire cauchemar pour tout parisien joliment chaussé et passablement frileux.
 
Un point culminant nommé Clinchamp.
 
Sans m'en rendre compte et sur un inexplicable coup de tête, j'étais parti à la découverte de ce mystère qui devait changer mes humbles jours en heures glorieuses.
 
A l'époque ce village présentait les mêmes apparences qu'aujourd'hui : aussi ternes que possible et plus lourdes que jamais. Tout pour plaire aux rats esthètes de mon espèce et faire fuir les caniches en dentelles des grands boulevards de Paname qui puent le parfum.
 
Projeté malgré moi dans un espace extraordinaire à la rencontre d'un rêve palpable, je fis bien involontairement l'expérience d'un vertige qui n'a pas de nom. En me rendant dans cette contrée perdue, à bien y réfléchir, j'ai emprunté une route sans fin...
 
Et elle m'a emmené là où personne n'est encore parvenu : hors de ce siècle, au seuil d'une immensité, à deux pas de l'infini.
 
Ou pour le dire autrement, à la porte des nuages.
 
Voilà ce que j'ai compris : j'ai glissé sur je ne sais quelle bouse magnifique et lors de ma chute, emporté dans mon élan poétique, je crois bien que j'ai rejoint les plus hautes nues !
 
Plus de trente ans après, le sol pragmatique des bipèdes communs est demeuré loin de mes semelles.
 
En me rendant dans cette commune, je ne savais pas que j'y laisserais les plus beaux éclats de ma plume. J'étais bien jeune puisque j'ignorais tout de l'essentiel de ces champs d'ombres et de ces gens d'ailleurs.
 
Je ne connaissais rien ni de la puissance évocatrice du sillon de ces bouseux ni de la magie crépusculaire du fumier de leurs basses-cours.
 
Je quittai la capitale pour visiter ce centre national de tous les oublis, le coeur en éveil, mais ne m'attendant pas pour autant à y voir s'illuminer à ce point ma vie.
 
Je ne soupçonnais nullement ce choc, en toute innocence je me jetais dans la gueule des ploucs.
 
Moi j'arrivai dans ce trou pour y chercher des patates, j'en ramenai des étoiles. Je pensais me retrouver tout au fond d'une terre obscure, mais ce fut pour moi le plein ciel. Je connus le baptême des hauteurs, à propice distance des vaches en dessous, et paradoxalement si proche de leur cul.
 
La parfaite convergence de la boue et de la lumière.
 
Est-ce le hasard si le destin m'a enraciné à Clinchamp tout en m'y ajoutant des ailes ?

Mes pieds sont restés dans cet azur où vos normes ne comptent plus.

L'auteur du blog

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J'ai embrassé tous les aspects du monde, du gouffre le plus bas au sommet le plus glorieux, de l'anodin au sublime, de la bête au divin, du simple caillou à qui j'ai donné la parole jusqu'au fracas galactique que j'ai réduit au silence devant un battement d'aile. Je suis parti du microcosme pour me hisser jusqu'aux astres, sans omettre de poser mon regard à hauteur de vos boutons de chemise. J'ai exploré les vices les plus baroques autant que les vertus les moins partagées, je suis allé sonder les petits ruisseaux mentaux de mes frères humains mais aussi les fleuves nocturnes de mes chats énigmatiques. Je suis allé chercher le feu olympien à droite et à gauche, m'attardant à l'occasion sur mes doigts de pied. J'ai fait tout un fromage de vos mesquineries de mortels, une montagne de mots des fumées de ce siècle, un pâté de sable de vos trésors. L'amour, la laideur, la solitude, la vie, la mort, les rêves, l'excrément, le houblon, la pourriture, l'insignifiance, les poubelles de mon voisin, le plaisir, le vinaigre, la douleur, la mer : tout a été abordé. J'ai survolé l'Univers d'une plume grave et loufoque, limpide et fulgurante, lucide et légère, aérienne et "enclumière".